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Nouméa, vendredi 29 mars 2024
   

Sciences Sociales Nouvelle Calédonie Sciences Humaines
 
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Objectifs du séminaire



La Nouvelle-Calédonie est engagée, depuis 2006, dans une généralisation progressive de l’enseignement des langues et de la culture kanak dans le premier degré. Les programmes calédoniens prévoient également une initiation aux langues de la région Asie-Pacifique. Le pays a par ailleurs lancé, en février 2010, le « Grand débat sur l’avenir de l’école calédonienne » dont l’une des questions porte sur la prise en compte de la diversité des élèves. Ce séminaire permettra d’apporter un double éclairage sur la place des langues océaniennes et du bilinguisme précoce en contexte scolaire.

Il offrira aux participants, d’une part, un bilan d’étape du programme de recherche « Ecole plurilingue Outremer » (www.ecolpom.univ-nantes.fr). Débutée en 2009 et devant s’achever en 2011, cette recherche-action financée par l’Agence nationale de la Recherche a pour objectif d’évaluer les programmes d’enseignement des langues d’origine à l’école primaire en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et en Guyane. Les résultats psycholinguistiques constatés au bout de deux sessions d’évaluation, ainsi que les premiers éléments des enquêtes sociolinguistiques seront présentés à l’occasion de cette rencontre par les chercheurs du programme, dont sa coordinatrice principale, Mme Isabelle Nocus, maître de conférences de psycholinguistique développementale à l’Université de Nantes.

Le séminaire permettra, d’autre part, de comparer les expériences des collectivités françaises du Pacifique avec celles des communautés anglophones de la région confrontées aux mêmes questions. L’expérience plurilingue peut-elle être partagée au niveau de toute l’Océanie ? Des leçons communes se dégagent-elles qui puissent profiter à l’ensemble ? La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, avec leurs programmes bilingues qui ont la particularité d’être accompagnés de dispositifs d’évaluation fondés sur deux axes complémentaires, psycholinguistique et sociolinguistique, peuvent apporter des enseignements intéressants à leurs voisins. Réciproquement, la diversité des dispositifs et l’expérience acquise des pays de la région peuvent éclairer la situation calédonienne et polynésienne. Particulièrement les expériences bilingues en Nouvelle-Zélande, avec les situations diverses de l’enseignement bilingue Anglais / Maori, Anglais / Samoan, Anglais / Tongien.

Les cas du Samoan et du Tongien dans leurs pays d’origine respectifs sont également très importants : la langue polynésienne locale est la langue quotidienne dans la majorité des familles, alors que l’anglais est obligatoire dès que l’on envisage des scolarités supérieures, à l’étranger et dans le pays, et dès que, même en restant dans le pays, on prétend à des emplois hautement qualifiés. Il ne s’agit pas de défendre la langue locale qui serait menacée, mais de voir de quelle manière son enseignement, au lieu d’être focalisé seulement sur la vie sociale et culturelle locale, permettrait à l’enseignement de l’anglais de profiter également des progrès que font les élèves dans leur propre langue.

Au-delà des cas de Samoa et Tonga, la question générale du conflit, ou au contraire de la valeur ajoutée, entre l’enseignement de la ou des langues locales et l’enseignement de la langue internationale concerne l’ensemble des pays du Pacifique. Le Vanuatu, par exemple, connaît l’un des plus forts taux du monde de diversité linguistique par rapport au nombre d’habitants. Son expérience est précieuse à entendre, comme sera précieux pour eux d’entendre les expériences en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie où, là aussi, il y a bien plus qu’une seule langue régionale ; avec la différence cependant d’une prééminence du tahitien en Polynésie française par rapport aux autres langues locales, ce qui rapproche la Polynésie française des cas de Samoa et Tonga, alors qu’en Nouvelle-Calédonie la diversité linguistique est nettement plus affirmée. Enfin, il est souhaitable que des exemples concernant les communautés Aborigènes d’Australie fassent partie de ce dialogue, même si la situation y est encore différente (grande dispersion spatiale et linguistique, faible usage des langues locales pour la vie administrative et l’écriture, etc.).

Une place importante sera donc consacrée à la dimension comparative et à l’échange. Riches de leur double ancrage océanien et occidental, les communautés du Pacifique ont aujourd’hui l’opportunité de forger un espace régional respectueux de la diversité des langues et des cultures. Un espace où, pour paraphraser l’accord de Nouméa, les langues océaniennes sont, avec le français et l’anglais, des langues d’enseignement et de culture.

C’est pourquoi cette rencontre coïncidera avec le Forum de la Francophonie, comme illustration d’une dynamique ouverte sur le monde qui cherche à concilier l’espace francophone avec la diversité linguistique et sa préservation. Il s’agira donc aussi de réfléchir à un enseignement du français inscrit dans un projet plurilingue finalisé et cohérent, articulé avec l’enseignement des langues d’origine et de l’anglais.

Enfin, il importe de rappeler que la question du plurilinguisme dépasse le cadre (ethno)linguistique et pédagogique : en ouvrant l’école à des références culturelles diverses, elle en modifie l’espace. Elle permet de penser l’espace éducatif non seulement comme espace de transmission, mais aussi comme espace de civilisation, au sens donné par Lévi-Strauss, c’est-à-dire comme espace de coexistence de cultures.

Par là s’élabore aussi un projet de société dont les prémisses sont posées dans les accords de Matignon et de Nouméa.








 
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